⊰ the universe and you

Installé dans le jardin, je fumais tranquillement une cigarette. Je regardais les autres maisons autour de moi, les habitants vaquant à leurs occupations, ces familles qui semblaient si parfaites, ces couples qui vivaient le grand amour. Et moi j'étais là, incapable de savoir comment serait ma vie dans plusieurs années. Certainement comme aujourd'hui, voyageant de ville en ville dans le but de protéger des gens à qui je ne tenais pas, en défendant leur vie sans vivre la mienne. Mais c'était le métier qui voulait ça, et d'un côté j'aimais cette vie de nomade, la routine m'avait toujours fait peur, et qui dit rester en place et vivre, rimait avec malheur et trahison. Au moins comme ça, je savais que j'avais rien à attendre. Je tournais la tête, me sentant observé. Je vis Eline, me regardant derrière les rideaux de la fenêtre, immédiatement en me voyant, elle s'enleva. Je soufflais, me retournant. Déjà qu'on avait jamais été très bavard l'un envers l'autre, depuis qu'elle m'avait embrassé en public pour faire taire les mauvaises langues, qui en fin de compte s'étaient tout sauf tus, nous ne nous parlions que pour nous adresser des banalités. C'était invivable, et je me sentais mal à l'aise en sa présence. Pourtant je n'avais pas le choix que de rester avec elle, j'étais payé pour ça après tout. Sauf que pour une fois, je ne voulais être ailleurs pour rien au monde. J'écrasais ma cigarette contre le portail avant de la lancer sur le trottoir. Je marchais jusqu'à la porte d'entrée, le plus lentement possible mais je devais l'avouer j'avais assez froid dehors et je ne pouvais pas l'éviter le reste de ma vie. Je pénétrais dans la maison, déposant ma veste en cuir sur un porte manteau. Je soufflais, longeant le couloir pour arriver à la cuisine où la belle blonde se servait à boire. Elle ne m'avait pas encore vu, et j'hésitais à entrer ou au contraire, à rebrousser chemin pour rejoindre ma chambre. Le destin avait décidé pour moi : Eline se retourna et me fixa. Je lui souris niaisement avant d'éviter son regard pour venir me préparer un café qui venait tout juste d'être fait. J'y versais un peu de sucre comme à mon habitude, me tournant vers elle. "Belle journée, n'est-ce pas ?" Déclarais-je en regardant par la fenêtre. Immédiatement, je regrettais d'avoir ouvert ma bouche, et je regrettais nos véritables conversations, bien que peu nombreuses, elles étaient bien meilleures que de parler de la pluie et du beau temps. Comme je venais de le faire. Je n'osais même pas la regarder, mais savoir qu'elle était aussi gênée que moi me réconfortait.

Dans l'histoire, c'était certainement moi l'idiot. Premièrement en plus de m'être laissé embrassé en public par une fille que je devais protéger, j'avais prolongé ce dernier sans savoir qu'au fond de moi j'en avais envie depuis déjà pas mal de temps. Deuxièmement je l'évitais. Elle aussi, qui devait être honteuse si elle se planquait à ce point, chose que je n'aurais pas imaginé venant d'elle. Je trouvais ça assez adolescent de se cacher pour un baiser, mais je ne pouvais m'empêcher de le faire, cela me rappelait bien trop de souvenirs. Calixte. La fille d'une homme important dont j'étais le garde du corps. Dès le premier jour elle m'avait tapé dans l'oeil. Je n'étais qu'un homme faible à l'époque, alors j'avais succombé à son charme et l'avait embrassé. Avant de me faire gentiment -ou presque- remercié par son père quand il l'apprit. Depuis j'évitais de prendre en charge des hommes avec de belles filles, ou des belles femmes tout simplement. Chacun son petit plaisir et péché mignon, le mien c'était le sexe opposé. Mais Eline n'avait rien de Calixte, bien au contraire. Déjà, elle était beaucoup plus mature et avec un caractère bien à elle. Et même si je faisais celui qui n'appréciait pas les stars populaires comme elle, je devais avouer que plus le temps passait, plus j'arrivais à réellement m'attacher à elle. Mais ce baiser, c'était mal, c'était comme cédé à la tentation, encore une fois. Si je me l'avais interdit, ce n'était pas pour rien, car aujourd'hui je me trouvais devant elle gêné comme pas possible, à lui dire que le temps était beau. Pathétique. "Tu es vraiment en train de me parler de la météo ?" Me demanda d'elle perplexe un instant, amusée celui d'après. Elle sourit, et c'est comme si tout un coup ce baiser signifiait beaucoup plus que ce que je voulais bien croire. Je roulais les yeux, affichant un sourire. "A croire que oui, si c'est pas complètement idiot." Le plus idiot dans tout ça était certainement de tourner autour du pot. La tasse entre mes mains, je la portais à ma bouche, soufflant dessus un peu avant, puis de boire un peu. "Disons que je suis ... assez mal à l'aise." Dis-je enfin avec courage, sans oser la regarder dans les yeux. Je voulais stopper cette gêne qui me pourrissait le moral de plus en plus. Je relevais finalement le regard vers l'intéressée.

C'était étrange, car maintenant qu'on parlait clairement de ce baiser, je ne savais pas si j'en éprouvais un soulagement certain car le silence m'avait vraiment mis plus mal à l'aise qu'autre chose, ou si j'étais anxieux du à la réponde d'Eline. Je ne sais pas pourquoi, mais si elle me disait clairement que ce baiser n'avait aucune signification pour elle, je serais très mal. Et le pire c'était de ne pas savoir pourquoi. Je n'étais que son garde du corps, et qu'elle qu'une cliente en plus, dans plusieurs semaines, lorsqu'elle n'aura plus besoin de moi, elle me remerciera avec un beau chèque entre les mains. Je me trouvais soudain totalement idiot de croire qu'elle ressentait plus pour moi que la simple relation de travail que nous avons actuellement. Il fallait l'avouer, elle avait tout pour elle, une belle maison, une belle voiture, des fans, et vu sa beauté, des hommes par centaines, voire par millier. Moi, je n'étais rien. "Tu n'as pas à te sentir mal à l'aise c'est plutôt moi qui devrais l'être. " M'avoua t-elle juste avant de baisser les yeux en direction du sol. Pourquoi était-elle gênée elle ? D'avoir franchi la ligne travail/plaisir, d'être partie comme une voleuse juste après m'avoir embrassé ou de m'avoir fait croire que peut-être qu'elle ressentait quelque chose pour moi ? Mais je ne lui en voulais pas, c'était moi le fautif dans l'histoire même si c'est elle qui avait le premier pas. "Je pense que je dois m'excuser pour la dernière fois." Balbutia t-elle. Je n'attendais pas des excuses, sinon je devrais moi aussi en présenter et je n'étais pas motivé pour puis ce que j'avais aimé, mais bel et bien une explication. "Je voulais simplement qu'on me laisse tranquille et je savais que notre relation était un sujet de curiosité. Je voulais juste être en paix pour une fois." Juste être en paix. Ce n'était donc que ça. En une parole, une phrase, mes espoirs déjà maigres s'envolèrent comme un tas de cendre prit dans le vent. Je me raclais la gorge sans lui faire voir ma déception. Je ne répondis rien la laissant terminer. "Je n'aurais pas dû me servir de toi" Encore une fois sans comprendre pourquoi, ses paroles me blessèrent profondément. Je souris, face à mon idiotie de croire qu'une femme célèbre m'aurait embrassé pour autre chose que de vouloir se servir de moi. Je n'osais pas la regarder. "Je crois aussi. Mais pour ma part, j'aurais du te repousser, je n'aime pas faire ce genre de chose intime avec des clients." Comme si ce n'était qu'une cliente. Je me mentais à moi-même. Je finis d'un coup sec mon café qui me brula la gorge, mais pour ce que j'en avais à faire. Je posais la tasse dans l'évier avant de partir en direction de la porte. Je me bloquais, je me retournant. "Ce n'était donc qu'une manœuvre pour faire taire les mauvaises langues, rien de plus ?" Demandais-je en me retournant vers elle. Je voulais une réponse franche, même si elle risquait de me faire mal.

"Donc tu admet avoir été d'une certaine façon consentant ?" Je bloquais sur ces paroles, ne sachant que répondre. Certes pour moi elle coulait de source, mais je n'oserais jamais lui avouer que oui, que j'en rêvais depuis pas mal de temps. J'avais ma fierté après tout, et sans oublier les principes déontologiques, bien entendu sortir avec son client n'était pas officiellement interdit, mais officieusement il valait mieux laisser les sentiments de côté, de risque de se faire virer, ou même pire tuer. Je relevais donc la tête vers Eline, me raclant la gorge comme pour annoncer que j'allais prendre la parole. "Disons que ça ne se fait pas de repousser quelqu'un comme ça." Mon plan génial ? Faire croire à Eline qu'elle n'était rien de plus pour qu'une simple cliente que je devais maintenir en vie à cause d'un pauvre fou trop fan d'elle. Je faisais tout mon possible pour cacher bien au fond de moi, les sentiments que je pouvais éprouver. Tellement profondément, que je finissais pas ne même pas savoir mes sentiments envers la jeune femme. "Surtout si c'est une belle femme." Ayant peur d'y être allé trop fort dans ma dernière réplique, je sortis cette phrase de ma bouche, que je regrettais aussitôt. Là c'était sur, mon plan venait d'échouer en rajoutant ces six mots. Ma seule envie maintenant était soit de m'enfuir en courant le plus loin possible et le plus vite possible, soit de me cogner la tête contre le mur, encore et encore. C'était incroyable de voir que mon assurance qui en laissait plus d'un perplexe, pouvait s'envolait en un battement de cils d'une belle blonde. Les femmes, ma seule faiblesse. "J'aurais pu utiliser une autre manœuvre si ça avait été juste dans le but de les faire taire. Disons que j'en avais envie depuis longtemps." Au bas de la porte, je me retournais, regardant Eline dans les yeux. Je lui avais demandé si ce baiser avait compté ou non, si je m'étais fait des films pour une raison ou pas. Sa confession me laissa ... perplexe. Je ne m'attendais pas à ça, pas de sa part. Je l'observais encore, sans savoir quoi lui répondre. Je m'avançais vers elle, mais pas trop près non plus de peur qu'elle prenne peur de ma réaction et je lui lançais, droit dans les yeux. "Ce n'était pas par politesse, j'en avais aussi envie." Me contentais-je de répondre, faisant référence à ma phrase d'avant.

Le retournement de situation était incroyable. Alors qu'il y a quelque minutes nous étions tout les eux gênés comme pas possible, ne pouvant même se regarder l'un à l'autre, nous étions maintenant dans une phase totalement différente. Des sourires, des regards en quoi, on ne s'évitait plus, bien au contraire. J'avais passé ces derniers jours à ruminer dans mon coin ne sachant que penser de la situation et de ce que je ressentais envers Eline. Mais maintenant que nous étions dans la même pièce à son confronter, c'est comme si tout devenait beaucoup plus facile, comme si les pièces du puzzle se mettaient enfin en place. "Je prends ça comme un compliment." Me répondit-elle après avoir insinué qu'elle était belle. Elle sourit d'ailleurs, flattée par mes propos, et je fis de même. Même gêné, je ne regrettais pas de l'avoir dit, Eline était une femme magnifique et elle méritait quelqu'un qui lui dise tout les jours. "Tu serais difficile sinon." Ajoutais-je en souriant pour détendre l'atmosphère. Je me sentais beaucoup mieux qu'avant, plus en sécurité, mieux dans ma peau. Notre relation venait de faire un pas en avant, un petit certes, mais pouvoir lui reparler à nouveau, et même rire avec elle me remontait peu à peu le morale. Je finis par lui avouer que ce baiser, j'en avais envie. Ce fut beaucoup moins dire que je pensais, ce fut même libérateur, facile. "C'est bon à savoir." Me lança t-elle. Je fus surpris, et déçu, mais je compris bien vite qu'elle devait être assez inconfortable et qu'elle cherchait ses mots. Elle plongea son regard dans le mien, ses yeux bleus étaient tellement pénétrant que je ne pus m'en détacher. Et elle ajouta quelques mots. "Était-ce une envie passagère assouvie ou une envie inachevée ?" Je souris à sa réflexion. Ne sachant pas quoi lui répondre, je m'approchais d'elle pour arriver à sa hauteur. Je pouvais sentir sa respiration sur ma peau tellement nous étions proche. Je la regardais intensément avant de l'embrasser fougueusement. Surprise au premier abord, elle prolongea le baiser. Comme la première fois, sauf que les rôles étaient échangés. Après quelques secondes je me détachais d'elle, lui souriant. "Cette réponse te suffit-elle ?" Ajoutais-je, étant totalement troublé par ce que je venais de faire. Cette spontanéité ne me ressemblait absolument pas. Peut-être qu'Eline avait réussi à percer ma carapace.

Totalement à l'aise, j'étais ouvert avec Eline comme je ne l'avais jamais été. C'était surprenant tout de même, moi qui me donnais corps et âme à rester le plus sérieux possible, à ne faire que mon travail sans prendre le temps de compresser, je me retrouvais là, vidant toutes mes émotions, touts mes sentiments. Il fallait dire que pour moi, la jeune femme n'avait toujours été qu'une cliente, qui plus est une star célèbre qui avait la grosse tête. Mais en vivant avec elle, j'avais rapidement compris que tout ça, ce n'était que du cinéma, qu'elle avait une sincérité en elle incroyable. Et c'était cette Eline là que j'appréciais. Que j'appréciais. Je fis surpris de penser ça, alors que jusqu'à je ne l'avais jamais remarqué. Il fallait aussi avouer que je restais constamment bloqué sur la touche "travail, pas de sentiments" et que je ne m'étais jamais posé la question. Elle ne devait pas être posé d'ailleurs, j'étais là en temps que garde du corps point. Je me rendais aujourd'hui compte que ça ne pouvait plus durer, me voiler la face comme me gâcher la vie plus qu'autre chose. "J'espère que ça ne sera pas la dernière fois." M'avoua t-elle en laissant afficher un léger sourire sur son visage. Je fis de même. Nous n'avions jamais été proche l'un de l'autre, et jamais je n'aurais imaginé lui avouer que je la trouvais belle. D'ailleurs, ça non plus je n'y avais pas réfléchi et je me trouvais tout un coup stupide de ne pas avoir remarquer que j'avais auprès de moi une femme magnifique, qui en plus était mannequin. Je ne répondis pas à sa réflexion, ayant trop peur de tout gâcher, mais mon sourire suffit à lui faire comprendre que ça n'allait pas être la dernière fois. Alors que je venais de me détacher d'elle après l'avoir embrassé, ce qui ne me ressemblait absolument pas, mais je ne le regrettais pas. Je 'avais toujours voulu que ça, pouvoir l'embrasser et être embrassé par elle en retour. Tout un coup, Eline me prit par la nuque et encore une fois nos bouches se rencontrèrent. J'avais le coeur qui battait à la chamade, j'étais heureux, tout simplement. "J'aime beaucoup ce genre de réponse, pas toi ?" Elle se mordit la lèvre supérieure, chose que je trouvais complètement séduisant, et me lança un sourire, sans lâcher mon cou pour autant, mais en s'éloignant quand même. "Pas mal, pas mal, en fait si on discutait comme ça, j'en serais très heureux." Répondis-je avec un air malicieux avant de me dégager d'elle, me rendant compte que tout ça allait trop vite. J'avais peur. "Je ... je suis ton garde tu corps, ce ne serait pas correct, je ..." Je ne savais simplement pas quoi dire.