petit footing matinal (jackson)

Faire mon jogging était important pour moi, cela me permettait de garder la forme mais c'était aussi un moyen de me détendre. Étant chirurgien j'avais donc un métier stressant de plus à la maison je devais aussi m'occuper d'un adolescent de dix-sept seul vu que j'avais divorcé. Ma vie avait pris un tournant incroyable durant l'été, je m'étais divorcé ( sans dispute en plus ), mon fils avait voulu vivre avec moi ( et c'était une grande surprise ) et j'avais déménagé pour ne pas subir les regards réprobateurs de mes anciens collègues et voisins. Mon jogging matinal me permettait de me libérer l'esprit, d'avoir une tranquillité que je ne pouvais pas avoir avant la fin de la journée. J'avais essayé de faire courir mon fils avec moi mais il n'était pas des plus matinal, bien que sportif vu qu'il avait intégré l'équipe de lacrosse de son lycée, donc je me retrouvais seul. Je n'aimais pas courir avec de la musique aux oreilles, cela risquait de me déconcentrer et je risquais de me prendre quelque chose, un poteau comme une voiture.

À force de toujours faire le même chemin, j'avais remarqué qu'une jeune femme faisait elle-aussi son jogging en suivant la même route et au même moment. J'avais aussi remarqué qu'au fil des mois, elle avait augmenté la cadence et qu'elle avait moins de mal à suivre mon rythme, à croire que je lui servais d'exemple pour s'améliorer. On courait ensemble sans vraiment le faire. Je ne connaissais rien d'elle à part ses habitudes de jogging. J'étais rassuré de la voir sortir de son immeuble derrière moi, c'était devenu une habitude. Alors que j'avais un peu d'avance sur elle, j'entendis quelqu'un tomber et l'expression de la douleur que je connaissais très bien ''aïe''. Je me retournais et je la vis à terre, une main sur sa cheville. Je me retournais donc et fis le chemin inverse pour aller vers elle. On se connaissait sans se connaître, c'était assez étrange. « Je peux jeter un coup d'oeil ? Je suis médecin. » lui dis-je avec un sourire rassurant avant d'ajouter « Au fait, je m'appelle Jackson, et vous ? » et j'allais enfin mieux la connaître, après plus de six mois de jogging ensemble-mais-pas-vraiment-ensemble.

Je me mis ronchonner. Ma cheville me faisait atrocement mal, ce à quoi je ne m'attendais absolument pas. En plusieurs années de course matinale, il m'était bien entendu arrivée de trébucher ou même de tomber, mais je ne m'étais jamais réellement blessée. Au pire, une petite douleur de deux jours et hop, c'était repartie. Je tâtais ma cheville pour essayer de voir ce qu'il s'y passait - ce qui était bien vain étant donné que je n'avais absolument aucune connaissance médicale - lorsque je vis mon inconnu revenir sur ses pas et se pencher vers moi. C'était assez étrange comme situation. J'avais réellement l'impression de le connaitre depuis longtemps mais, en réalité je ne savais rien de lui et nous ne nous étions jamais adressés la parole. J'enlevai les mains de mon pieds. « Oui, oui, allez-y ! répondis-je en grimaçant de douleur. Rumer ! Comme le mot français, la rumeur*. »

Enfin ! Mon inconnu n'était plus un inconnu, il s’appelait Jackson ! Je n'aurais pas su dire pourquoi, mais le fait qu'il ne précise pas son nom de famille me fit plaisir. Par ici, comme à Los Angeles ou San Francisco, quand vous rencontriez quelqu'un, il se présentait aussitôt par son nom de famille - enfin, surtout dans mon milieu - histoire de donner tout de suite un aperçu de sa valeur. C'était quelque chose qui m'agaçait vraiment.
« Je n'y connais pas grand chose, en cheville et tout mais, ça doit être un peu sérieux parce que ça me fait atrocement mal ! » dis-je en essayant de prendre un air naturel. Parce que j'étais toujours un petit peu intimidée, à dire vrai. J'espérais aussi que ce n'était pas grave au point de devoir appeler une ambulance sur le champs... Je levais les yeux vers Jackson. « A moins que je ne sois une vraie mauviette... » ajoutais-je avec un sourire.
Je n'avais jamais eu l'occasion de voir les traits du visage de mon joggeur de près, jusqu'à aujourd'hui. Il avait l'air un peu plus âgé que moi et plutôt sportif. Même définitivement sportif. Par contre, il ne me semblait pas être de la côte ouest. Enfin, je m'avançais un peu trop, là...

J'étais tombé plusieurs fois aussi, comme tout le monde, mais rien qui puisse m'empêcher de me relever de plus j'avais eu la chance d'être seul et c'était une excellente chose pour ce genre de moment. Voir quelqu'un tomber donnait toujours envie de rire mais quand on était cette personne c'était tout autre chose. Comme je n'avais pas vu la chute, je n'avais pas eu un léger sourire mais j'avais vu que la jeune femme avait mal et comme je suis médecin autant l'aider. Je m'approche donc vers cette inconnue-pas-si-inconnue-que-ça et je me présente avant d'ajouter que je suis médecin, parce que regarder une cheville blessée quand on a aucune connaissance médicale ne sert à rien. Je suis chirurgien plasticien mais j'ai étudié ce genre de blessure … il y a des années, en école de médecine. Enfin ce n'était pas la chose la plus compliquée du monde. On aurait été dans un hôpital, je lui aurais dis que j'étais Dr Madden mais on était dans la rue et on faisait notre jogging ensemble en quelques sortes. « Enchanté de vous connaître, depuis le temps qu'on se croise. » je lui dis avec un sourire tandis que je lui retire sa chaussure et sa chaussette pour regarder sa cheville. Elle n'avait pas l'air cassée.

Je me présentais rarement avec mon nom de famille, en fait seulement quand j'étais à l'hôpital avec mes patients. Je ne lui aurais même pas précisé mon travail si elle n'avait pas mal à la cheville. « Ca n'a pas l'air cassé, un bandage pour la maintenir, vous évitez de marcher et d'ici demain ça devrait aller. » je lui dis, bon je ne pouvais pas être sûr à 100% parce que je n'étais pas Superman et donc je ne pouvais pas voir l'état de ses os. « Je pense pas que vous êtes une mauviette, il suffit d'être mal tombé pour toucher un nerf et là ça fait vraiment mal. » je lui réponds avant d'ajouter « Je vais vous raccompagner chez vous, si ça ne vous gêne pas. » je lui dis, évitant de dire que je pensais la porter pour qu'elle évite d'appuyer sur sa cheville et se blesse encore plus.

Décidément, un médecin. Je ne pouvais pas tomber mieux - enfin, façon de parler. Notre rencontre officielle aurait presque pu prendre une dimension de destin, tellement la coïncidence était amusante. Mais je souffrais tout de même le martyre - ou presque. Et lorsque Jackson me dit que ce n'était probablement pas cassé, j'en fut tout de suite soulagée. Certes, ça n'aurait pas été un drame dans la mesure où je pouvais tout à fait exercer mon métier même une cheville immobilisée mais j'étais un peu comme une pile électrique, je ne pouvais pas m'arrêter trente secondes. J'avais constamment besoin de mouvement et d'action et, oui, je savais que j'aurais frisé la folie. Mais j'avais simplement froissé un nerf, apparemment.

« C'est très gentil à vous mais je ne voudrais pas vous obliger à annuler votre jogging. dis-je en commençant à prendre position pour me relever. Je vais essayer de rentrer toute seule, la maison n'est pas si loin que ça... » En fait, si, elle était bien loin et je le savais parfaitement. Mais c'était plus fort que moi, ça m'embêter vraiment de devoir l'obliger à laisser tomber son petit tour de quartier. Prise d'un excès de confiance en moi, je tente donc de me relever en un mouvement pour ne pas lui laisser le temps d'agir. Mais c'est perdu d'avance. Je suis à peine revenue à la verticale que je suis obligée de m'appuyer furtivement sur ma cheville douloureuse pour ne pas perdre l'équilibre. Un frôlement sur le béton du trottoir suffit à m'envoyer une décharge tout le long de la jambe. Je me retrouve ensuite, sans m'en rendre compte, accrocher à l'épaule de mon camarade joggeur. « Ok bon, ça va peut-être être plus compliqué que prévu... »
Surtout que je viens tout juste de me rendre compte que j'ai laissé la chaussette et la chaussure que Jackson m'a enlevé au sol. Pendant quelques secondes, je n'arrive plus à savoir si cette journée commence bien ou mal. Il fallait se rendre à l'évidence, il allait devoir m'aider à rentrer chez moins sinon, j'étais bonne pour y passer douze heures, à trainer ma patte folle sur le bord de la route. En plus, ce n'était pas comme s'il ne savait pas où j'habitais...

Je ne m'attendais pas à devoir aider une jeune demoiselle blessée lors de mon jogging matinale mais cela ne me gênait pas, j'étais médecin après tout de plus ce n'était pas n'importe quelle femme que j'aidais mais une que je connaissais sans vraiment connaître depuis mon arrivé en ville. Cela faisait du bien d'être dans une ville où bien peu de personne ne vous connaît et donc vous juge. J'avais quitté mon ancienne ville à cause des commérages et surtout des regards de mes voisins, qui auraient été capable de passer à l'action si j'étais resté il en était certain. Je n'avais pas seulement craint pour ma sécurité mais aussi pour celle de mon fils, et mon fils était bien plus important que n'importe qui ou quoi.

« Ca ne me gêne pas et que deviendrait mon jogging sans vous ? On a l'habitude de courir ensemble après tout. » je lui dis avec un sourire, c'était la réalité après tout. On ne c'était jamais parlé mais un jogging sans elle était étrange, j'en avais eu pas plus de un ou deux mais j'avais trouvé ça étrange d'être seul. « D'après ce que je sais, c'est quand même assez loin. Laissez-moi vous aider, s'il-vous-plaît. » je lui demandais. On courait ensemble, je savais un peu près où elle habitait et je savais qu'avec une cheville dans son état ce n'était pas une bonne idée de refuser mon aider et qu'elle risquait vraiment d'avoir besoin d'un plâtre chose que je voudrais lui éviter. Elle se releva et essaya de marcher mais elle eut un pic de douleur et s'accrocha à moi. « Je déteste le dire mais … je vous avais prévenu … bon en fait j'adore le dire quand mon fils fait une connerie. » je lui dis avec un sourire. Je pris sa chaussette et sa chaussure que je lui tendais pour qu'elle les prenne pour ensuite la porter, elle était vraiment légère il n'y avait pas à dire. Je la voyais déjà protester donc avant qu'elle parle je dis « C'est ça ou un pied dans le plâtre et non ça ne me gêne pas, dîtes moi juste quand tourner. » et je commençais à faire marche arrière.