Un passé déjà écrit
« Je suis saine de corps, et absolument obscène dans mes pensées, mes paroles et mes actes. » Lolita
Assise sur le rebord de ma fenêtre, la guitare entre les doigts, je fredonnais quelques airs en savourant chaque note de musique que produisait ce merveilleux instrument. Ma fenêtre donnait sur une ruelle sombre de Paris : ce paysage m'inspirait des scénarios assez angoissants mais toujours très intenses. Comme ensorcelais par la mélodie que je jouais, une clope à la main, je laissais mes yeux se fermaient doucement comme pour mieux savourer cet instant. J'étais aussi excitée par la musique que par cette sensation de vulnérabilité. En effet, telle que j'étais, j'étais plus vulnérable qu'une souris prise au piège. Mes cheveux longs et noirs tombaient délicatement sur mon blouson en cuir noir, mes jambes s'entrecroisaient et ma jupe laissait deviner mes interminables jambes. Des moments comme celui-là, j'en vivais tous les jours : musicienne de profession, je sortais tout droit du conservatoire où j'avais exercé pendant quatre ans le piano et la guitare avec une bande de premiers de la classe, sagement assis devant leur pupitre. Mozart, Verdi&co, j'étais la première à les idolâtrer, mais à la longue, j'avais envie de choses plus folles, plus libres, plus folk.
« Mademoiselle Suzy ! Vous êtes dans un conservatoire, pas musicienne dans un club de striptease ! » me disait toujours mon professeur principal. Il trouvait que mes élans d'improvisations et mon attitude désinvolte ne correspondait pas à l'image plus bourgeoise du conservatoire. Pourtant, il m'aimait bien... Je me souviens d'un rendez-vous parents-professeurs où désespéré, il s'était confié à mes parents
« Madame et Monsieur Royer, j'ai une confidence personnelle à vous faire : le talent de votre enfant est indéniable, elle a un don innée pour la musique. Il m'arrive souvent de l'écouter dans ses improvisations et je suis, sincèrement, sous le charme ! Cependant, votre fille doit vraiment retrouver le droit chemin, car ses retards, ses absences et son insolence ne jouent pas en sa faveur ! Votre fille semble se sentir bien supérieur aux autres, car souvent, elle exige d'avoir tous les solos sous peine de se mettre en colère. Mais, vous comprenez, ici nous sommes un collectif, nous ne sommes pas uniquement là pour votre fille. ». A dix-huit ans, j'ai quitté le conservatoire au grand regret de mes parents et je suis partie à Paris vivre une vie qui correspondrait plus à mes attentes !
« Yo' Suzon, tu joues ou tu me suis ? » me dit Marcel, un ami, tout en s'avançant vers moi. Surprise, je tournais rapidement la tête en sa direction tout en ouvrant les yeux, stoppant momentanément de jouer. Je ne m'attendais à sa visite ! Je distinguais sur son visage un sourire fière et narquois, il semblait heureux de me surprendre, comme un enfant voulant faire peur à ses parents en s'écriant " bouhh ", caché derrière une porte. Cet homme, Marcel, avait une élégance folle : une sorte de moi masculin quelquefois... Comme s'il avait en lui une multitude de traits de caractères détestables qui construisaient son charme. Non, je n'en étais pas amoureuse, ni même attirée par lui, mais je voyais bien qu'il était très apprécié par la gente féminine.
« Pourquoi te suivrais-je ? Où t'as lu que j'étais ton chien ? J'accepte de faire la poule de luxe, si tu m'emmènes dans un endroit excitant. ». Prenant son temps pour me répondre, il s'approcha de moi et parla en articulant et en prenant son temps, une lenteur accouplée à une voix suave et sournoise
« Un endroit excitant ? Tu sais très bien Suzon, que pour ça, je n'ai qu'à ouvrir la braguette de mon pantalon... ça te dit ? » dit-il en dirigeant sa main vers sa ceinture, comme pour commencer à l'enlever.
« Vas-y ! Montres moi ce que tu as dans le sang mon petit ! J'espère ne pas être déçue. » dis-je d'un air légèrement ennuyée mais avec un petit sourire amusé sur le coin des lèvres.
« Sérieux ?! Depuis le temps que j'attends ce moment. Chez toi ou chez moi ? » me demanda-t-il. Alors, je posais délicatement ma guitare sur le sol et quittais le rebord de ma fenêtre pour m'approcher de lui. J'étais désormais presque collée contre lui et je dirigeais ma main vers sa ceinture, comme pour la défaire, comme pour lui dire "maintenant" mais soudainement, j’attrapai agressivement la boucle de sa ceinture avant de tirer un grand coup dessus vers le haut et d'ajouter en serrant les dents, ma bouche presque collée à la sienne :
« Dans tes rêves ! » et satisfaite, je le lâchai, faisant demi-tour pour rejoindre de nouveau le rebord de ma fenêtre. J'avais regagné ma place avec un sourire de vainqueur, légèrement maléfique et je pouvais désormais le fixer dans les yeux pour observer sa réponse. Il était resté figé à me regarder. Il n'était pas vexé et ne ripostait pas à la douleur que je lui avais brièvement imposé, sans doute parce qu'il avait l'habitude, ou qu'il était masochiste. Cette journée se termina dans un bar, à siroter un whisky coca en sa compagnie.
« Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme. Lo-li-ta : le bout de la langue fait trois petits bonds le long du palais pour venir, à trois, cogner contre les dents. Lo. Li. Ta. »
Allongée sur mon lit, les mains entrecroisaient sous ma tête et portant la tête de Delha, une amie, sur le ventre, j'étais perdue dans un océan de pensée alors qu'elle restait là, à attendre que je trouve une idée d'activité. Soudainement, après un long silence, je me relevai brusquement en emportant brusquement sa tête. Elle comprit rapidement que j'avais une idée derrière la tête. Elle devinait à mon regard que mon idée n'était pas forcement la meilleure mais elle s'installa quand même en tailleur, tout en frottant sa tête comme pour essuyer la douleur que je lui avais procuré en me relevant. Je la regardais dans les yeux, comme pour l’hypnotiser. Delha était une fille plutôt sage, enfin avant, et je prenais un plaisir égoïste à la pervertir. J'appréciai sa compagnie et pourtant je m'en servais comme pour mon propre divertissement. Alors, je lui dis rapidement et strictement
« Action ou vérité ? ». Elle sembla rassurée, comme si elle s'attendait à pire. Je la connaissais très joueuse et je savais qu'elle allait répondre action, d'ailleurs c'est ce qu'elle répondit avec assurance :
« Action ! » pour qu'aussi vite, je lui réponde :
« Embrasse-moi ! ». Je n'oublierais jamais ce visage de panique quand je prononçai ces mots, elle semblait devenir complètement mal à l'aise et gênée, comme prise au piège dans un plan sournois où elle ne pouvait plus se débattre. Son visage fit un mouvement de recul, comme pour exprimer une négation. Je lisais en elle comme dans un livre ouvert qu'elle n'avait jamais embrassé de femme et que cette idée lui faisait peur. Cependant, avec insistance, tel lucifer, j'affichai un sourire sadique et je lui dis avec détermination :
« Allez Delha ! C'est pour s'amuser, tu le sais bien ! Et puis tu ne vas pas prendre le risque de perdre... ». Je la regardais se torturer, se flageller mentalement, perdue entre deux idées et je ne mentirai pas en disant que ça me procurait du plaisir. Elle ne pouvait se résoudre à perdre un jeu et téméraire, et à ma grande surprise, elle se jeta contre moi en me renversant sur le lit. J'observais son regard dominateur plongé dans le mien, j'étais toujours agréablement surprise de voir en cette fille parfaite une pointe de sang maléfique. Très vite, elle m'embrassa, assez agressivement mais alors que je pensais qu'à peine ses lèvres collées contre les miennes, elle allait s'arrêter j'eus la stupéfaction d'observer qu'elle prolongea ce baiser. Légèrement bisexuelle et excitée de voir cette fille se dévergonder, je ne fis rien pour arrêter cet intense baiser. Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais fait en sorte que le jeu aille beaucoup plus loin mais je la sentais pas prête et je préférais consumer cette pauvre fille lentement, tout en la faisant souffrir sur la longueur. Puis, suite à cet échange, elle se dégagea de mes bras et me regarda avec cet air hautain et fière comme pour dire " tu vois, cette fois tu ne m'auras pas " et elle s'éclipsa... elle partit.
Je n'étais pas non plus amoureuse de cette fille, de toute façon je ne crois définitivement pas à l'amour. Mais je la voyais de deux façons: d'un côté comme cette fille innocente, souriante et enfantine que je dévergondais et faisait souffrir sans aucune honte, mais d'un autre côté, je la voyais comme une future conquête, plus elle me surprenait et plus elle m'excitait.