Un passé déjà écrit
Elle marchait dans les couloirs de la prison ignorant les paroles déplacées, murmures ou insultes. Elle avait appris depuis bien longtemps à garder son sang froid en toute circonstance. Elle laissa les gardiens la fouiller, avant de la laisser entrer.
« Bonjour Caleb, tu as l'air en forme. » Elle sourit en le voyant la fixer avec méfiance, et s'assit en face de lui tout en croisant les mains sur la table.
« Que fais-tu ici ? Tu viens t'assurer que je suis bel et bien enfermé comme tu l'espérais ? » Elle soupira face à son ton amer, le fixant avec agacement clairement affiché.
« Tu ne peux que t'en prendre à toi même. Je ne vois pas en quoi je serais coupable que tu te sois fait arrêté après avoir commis un braquage. » Certes, elle se sentait coupable de le voir là, mais elle préférait le savoir en prison là où il ne ferait pas une nouvelle connerie qui le ferait tuer.
« Tu aurais pu... » m'aider. Elle était certaine que c'était ce qu'il voulait dire, et il venait certainement de réaliser que c'est ce qu'elle avait fait. Elle avait témoigné en sa faveur, payé son avocat, trouvé des témoins, obtenu qu'il soit placé dans une prison où il ne risquerait rien et s'il se conduisait bien il sortirait bientôt. Son expression s'adoucit alors qu'il la fixait avec un regard peiné.
« C'est aujourd'hui, n'est ce pas ? » Elle hocha la tête, incapable de dire le moindre mot.
« Rendre visite à quelqu'un en prison, même si c'est moi, n'est pas la meilleur façon de te réconforter le jour de sa mort ! » Elle ignora son commentaire, n'ayant guère envie de se lancer dans un débat totalement vain. Elle savait que cela était loin d'être la place rêvée, mais elle n'avait personne avec qui partager ce moment. Elle n'avait pas suffisamment confiance en qui que ce soit pour se montrer dans un tel état de faiblesse. Son père lui avait toujours appris à ne pas laisser voir la moindre faille, car dès que la moindre faiblesse se faisait sentir les autres étaient prêt à l’exploiter. Et vu le monde dans lequel elle avait grandi, il n'y avait pas de secondes chances. Grandir avec des parents escrocs -un père arnaqueur en tout genre et une mère faussaire d’œuvre d'art-, à sans cesse changer de villes, sans cesse devoir mentir, sans cesse devoir être prudent, disons que cela l'avait amené à avoir une façon de vivre très particulière. Son futur était déjà tout tracée, elle serait à son tour une arnaqueuse. Son choix ? Détourner l'argent de grandes compagnies et s'envoler dans la nature.
« Bonjour, puis-je vous offrir un café ? » Elle jeta un regard à sa tasse vide avant de soupirer.
« Merci, mais non merci. Je ne suis pas intéressée alors au revoir ! » Elle ne daigna pas lever les yeux de son livre, n'ayant aucune envie qu'un péquenot tente de la draguer. Elle avait suffisamment donné au cours de la semaine précédente. Entre ceux au technique de drague datant d'un autre âge, les pervers qui avaient tentés de la peloter, autant dire qu'elle avait été servie. Alors, elle préférait marquer tout de suite son indifférence complète plutôt que d'avoir à subir à nouveau tout cela.
Devant le silence qui lui répondit et sentant toujours la présence de son interlocuteur, elle décida de dire quelque chose afin d'apaiser la déception qu'il devait ressentir.
« Ne soyez pas trop déçu que je ne sois pas intéressée, car je ne suis pas ici pour me faire draguer par le premier venu ; dans le cas contraire, je m'inscrirais sur un site de drague minable. » Elle entendit un rire, puis des pas qui s'éloignaient. Alors qu'elle pensait être enfin tranquille, elle vit une tasse de café être déposée devant elle, ainsi qu'une part de tarte au citron meringué. Le fait qu'il lui offre son dessert préféré était-il une coïncidence ou devait-elle se montrer prudente ?
« J'ai suivi de près votre carrière, je suis très impressionné. Je suis certain que l'on pourrait travailler ensembles ! » Elle lui jeta un regard suspicieux, n'appréciant pas du tout ses manières. Elle aurait bien niée tout en bloc, faisant mine de ne pas comprendre ses insinuations, mais elle voyait bien qu'il n'allait pas lâcher l'affaire.
« Je t'arrête tout de suite trésor. Je bosse seule. Je n'aime vraiment pas devoir me trainer un boulet. Alors si t'as besoin d'une nounou trouves-toi un autre pigeon ! » Il se contenta d'un sourire en coin tout en s'installant, lui tendant un papier sur lequel était inscrite ses 'qualifications'. Elle haussa un sourcil, impressionnée plus qu'elle ne voudrait bien l'admettre face à ses références. Elle avait finalement acceptée de tenter le coup et ils avaient fait un duo détonnant. Leur chemin avait finit par séparer au bout de deux ans, chacun aspirant à des choses différentes.
« Où dois-je signer ? » Elle avait parlé d'un ton las, gardant les yeux rivés sur le contrat du divorce. Elle arborait un masque parfait, si bien que personne n'aurait pu dire ce à quoi elle pensait et ce qu'elle pouvait bien ressentir. Elle tentait de jouer les femmes fortes, voulant faire croire que c'était sa fierté qui la faisait agir de la sorte. S'ils avaient pu la voir quelques minutes plus tard, ils auraient vu une femme très satisfaite d'elle-même et du tour qu'elle avait joué à son second mari. En effet, elle avait décidé de changer de travail pour quelque chose de moins risquer. Résultat des courses, deux mariages et deux divorces. Et dans les deux cas, elle avait empoché une véritable fortune. Il suffisait de choisir les infidèles chroniques riches comme crésus, de bien négocier le contrat de mariage et de leur coller un détective privé aux trousses et elle n'avait plus qu'à attendre le jackpot. Cependant, après cela, elle avait jugé qu'elle avait bien assez d'argent pour toute une vie et avait préféré se faire discrète et embarquer pour une petite ville. Son choix s'était porté sur Oakdale, où il n'y avait vraiment aucun risque qu'elle croise quelqu'un qu'elle connaissait. Cela fait maintenant deux ans qu'elle y vit et elle a su se fondre dans le décor, faisant en sorte d'être une voisine irréprochable. Cependant, elle remarque que des choses étranges semblent se passer dans le quartier. Pas vraiment sûr de ce qui se trame, elle préfère comme toujours rester prudente, n'excluant pas l'idée de disparaitre dans la nature si les choses tournaient mal.