Un passé déjà écrit
Assis sur le canapé, Calvin regardait Monstre et Cie pour la énième fois. Je n’arrivais toujours pas à comprendre comment il pouvait le regarder, encore et encore, sans exprimer le besoin de changer de dessin animé. Assis à côté de lui, j’attendais avec impatience le retour de maman, qui était parti tôt ce matin. Elle n’allait pas bien en ce moment, je le savais parfaitement. La dure vérité avait été cachée à mon frère et son âme d’enfant innocent, mais elle ne m'avait pas été épargnée. Notre famille n’était qu’un mensonge, un immense amas de fausses images, assemblées pour donner un semblant perfection. Mais le voile avait été levé une semaine auparavant, et la vérité avait éclaté. Mon père, qui avait toujours été un modèle pour moi, avait préféré tromper ma mère avec une autre, moins belle mais plus jeune. Et voilà comment son image d’un grand médecin s’était ternie par la cruauté de l’adultère.
Ma mère franchi enfin la porte d’entrée, un sourire timide au coin des lèvres. Elle était toujours aussi belle, malgré la tristesse qui brisait l’éclat de son visage. Elle vint déposer l’un de ses doux baisers sur le front de Calvin, avant d’en déposer un autre sur le mien. A cet instant, une vague de souvenir me parcouru. C’était comme si elle m’avait transmis sa tristesse et son manque envers notre famille, qui était si parfaite, ou presque. Je me souvenais de ces vacances à Tampa, en Floride, où nous nous étions amusé comme jamais. Je me souvenais de cet après où nous avions fait une course à vélo familiale, Calvin avait perdu, Papa avait gagné et je m’étais cassé le bras. Bref, nos rigolades, nos punitions, nos disputes, tout me manquait, même le pire.
Je vis maman se diriger vers la cuisine, les larmes aux yeux. Je ne pus m’empêcher d’accourir vers elle, pour la consoler et lui montrer que j’étais là. Lorsqu’elle me vit arriver, elle me serra dans ses bras.
« Damian, tu dois être fort tu sais. J’ai besoin de toi et de ton frère. Tu as treize ans, tu es grand, ne t’en fait pas. Nous irons mieux ». Oui, nous irons mieux. Nous pouvions parfaitement vivre sans papa et ses mensonges abominables. En y réfléchissant bien, il passait le plus clair de son temps au travail, même si il essayait toutefois de passer un peu de temps avec nous. Mais c’était maman qui nous avais tout donné. Pour moi, peu de choses changeraient. Je serais toujours le même, j’irais toujours m’amuser avec mes amis, je ramènerasi toujours des bonnes notes, j’aiderais toujours maman. Oui le même, avec une famille brisée en plus.
L’amour. C’était donc ça. Des baisers, de la tendresse, de l’attention, des rigolades, du bonheur. Tout était parfait, si parfait que j’avais du mal à y croire. Un sourire aux lèvres, je regardais ma fiancée, étincelante comme jamais. Elle s’approcha de moi, un magasine sortant tout droit de chez le fleuriste dans les bras.
« J’ai pensé qu’on pourrait mettre des bouquets de roses sur les tables. Des roses blanches et rouges, ce sont mes préférées ! Ah, et j’ai commencé à faire la recherche du traiteur, Bishop n’a pas l’air mal… Et pour les invités, j’ai déjà fait une petite liste. Il faudra que tu me dises qui tu veux inviter, et on fera le plan de table ensemble… MON DIEU, la décoration ! Je n’y ai pas encore réfléchit ! Mais je pensais faire dans les tons rouge, rose et blanc, qu’en penses-tu ? … Demain, je vais commencer à faire les magasins pour trouver ma robe. Tu es curieux de savoir celle que je vais choisir n’est-ce pas ? Mais tu ne le sauras que le jour J. D’ailleurs, tu es toujours d’accord pour qu’on se marie le… » Ma belle fut interrompu par l’un de mes doux baiser sur ses lèvres. Elle était impatiente, son excitation le traduisait parfaitement. A vrai dire, j’étais aussi impatiente qu’elle. Mais ma mère nous battait haut la main niveau excitation et impatience. Elle était venue me voir deux jours plus tôt, l’air ravi et tellement heureuse, pour me dire combien elle était fière que je sois avocat, fière que je sois fiancé, bref, fière de moi. A vrai dire, jamais je n’aurais imaginé que tout se passerais si bien. Certes, je n’avais pas eu de mal à conquérir le cœur d'Evyrain, mais fut un temps où j'avais une mauvaise image du mariage et de tout ce qui allait avec, à cause de mon père. Pour moi, il était hors de question que je me marie et que j’ai une grande famille, qui s’écroulerait un jour où l’autre. Et puis, les beaux sourires et les mots doux de ma douce Evyrain ont tout changé.
Six mois. Cela faisait six mois qu’Evyrain m’avait quitté, abandonné. Elle était partie sans dire un mot, sans donner de nouvelles, pour me laisser seul avec ma tristesse. Depuis son départ, tout s’était écroulé autour de moi. Oui, tout. J’avais tout perdu, en un clin d’œil. Après le départ d’Evyrain, j’avais perdu mon travail et troqué mes sorties entre amis contre la compagnie de bouteilles de vodka. Le tableau était pathétique, si pathétique que même moi je le disais.
L'air pitoyable, je daignai enfin me lever de mon lit, entouré de quelques bouteilles vides. Je réussi avec peine à traverser ma chambre pour ouvrir les volets. La lumière me fit mal. Mal aux yeux, mal au cœur. Je m’assis contre le mur, et saisi une bouteille encore pleine. Après quelques gorgées, j’en suis même venu à regretter d’être venu habiter ici avec ma mère, quatre ans plus tôt. Son amour maternel et ses arguments sur les bons cabinets d’avocats m’avaient poussé à quitter New York pour venir à Oakdale. Et voilà que maintenant je le regrettais plus que jamais. Si je ne serais pas venu ici, je n'aurais jamais rencontré Evyrain et tout irait bien.
Et puis soudain, un éclair de joie et de bonne humeur envahit ma chambre. C’était Leena, un sourire aux lèvres, qui venait tout juste d’entrer.
« Allez bouges-toi, on sort. » Je levai les yeux vers elle et posai ma bouteille sur le sol. Quelque chose au fond de moi me poussait à me lever et aller avec elle. C’était peut-être son regard pétillant, le don qu’elle avait de me faire rire, ou son physique attirant.
« Pas envie. » Elle me prit le bras pour que je me lève. Une fois debout, elle m’adressa un petit sourire malicieux.
« Suis-moi, j’ai une idée. » Un sourire se dessina sur mes lèvres, un vrai sourire tel que je n’en avais pas eu depuis longtemps.
« Ça marche, mais je te préviens, on sort pas trop loin. D’ailleurs, on va où ? » Elle se mit à rire, avant d’avancer plus vite. Je comprenais qu’elle se moque de moi. J’étais vraiment devenu une loque à vrai dire.
« Surprise, tu verras. » Sa bonne humeur m’entraîna rapidement en bas des escaliers, où je croisai ma mère qui s’occupait de mon beau-père. Elle avait l’air tellement heureuse… Elle s’était installée avec lui il y avait à peine quelque mois, et l’éclair de bonheur dans ses yeux qu’elle avait perdu était revenu. Cela faisait plaisir à voir.
« T’as oublié ça en bas ! » Un sourire aux lèvres, Leena entra dans ma chambre en sous-vêtements, mon téléphone à la main. Sans gêne, elle me le tendit, sans oublier de s’approcher de moi. Elle s’approcha tellement que je pouvais sentir son souffle sur mon visage. Je le pris, affichant un sourire provocateur, avant d’approcher ma bouche de son oreille.
« Merci beaucoup. » Je marquai une courte pause, avant de reculer brusquement d’un pas. Cela faisait presque un an que ce petit jeu durait. Il avait commencé en douceur dès son arrivée, et s’amplifiait de plus en plus. Il faut dire que grâce à elle que j’avais réussi à remonter la pente. Et la page Evyrain s’apprêtait à être tournée, définitivement oubliée. Les mots de l’histoire étaient presque effacés, ce n’était plus qu’une question de temps, et grâce à Leena, le temps en question se réduisait à grande vitesse. Oui Leena. Bien plus qu’une demie-sœur, sauf si j’ai toujours ignoré qu’une tension sexuelle entre demi-frère et demi-sœur était tout à fait normal, ce qui m’étonnerait. Le jeu du chat et de la souris, nous le connaissions par cœur à présent, même si notre lien familial compliquait un peu les choses. Mais plus je la regardais, plus je me disais que la morale vis-à-vis de notre famille ne devait pas nous empêcher de succomber.
« Qu’est-ce que tu me donnes pour me remercier de mon extrême bonté ? » Elle me sorti de mes pensées, et un petit rire m’échappa. Je n’avais qu’un envie, c’était d’aller jusqu’au bout du jeu pour commencer une toute nouvelle partie.
« Je te ferai un surprise dans les jours qui suivent... » Un sourire au coin des lèvres, elle déposa un baiser sur ma joue, avant de tourner les talons
« Marché conclu ! » . Sa silhouette disparut dans l’ombre de la porte, pendant que j’allai m’assoir sur mon lit. A peine assis, je regardai mon téléphone. Un appel manqué, un message sur ma boîte vocale. Sans plus attendre, je l’écoutai.
« Damian, c’est un important ! Il semblerait qu'Evylain ait été vue sur la place, complètement perdue. Après, c’est ce qu’on m’a dit… Mais je pense que c’est vrai. Dès que t’as ce message, rappelles-moi ! » Mon téléphone se retrouva au sol. Je restais figé, surpris parce que je venais d’apprendre. Evylain ne pouvait pas être de retour, impossible.