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DUBLIN, IRLANDE ▲
vingt-huit avril mille neuf cent quatre-vingt-neuf.
Dublin, la capitale de L'Irlande. Petite mais majestueuse ville, ce fut mon berceau. J'y naquis, en ce vingt-huit avril et comme à son habitude, à n'importe quelle saison, il était possible de connaître les quatre saisons dans une même journée -même si ce phénomène arrivait plus rarement en avril. Ma mère, essoufflée, lâchait l'emprise sur la main de mon père, enfin, après l'avoir broyée... Mon oncle était présent aussi, ma grand-mère par la même occasion. A l'époque, nous étions une famille unie, simple. La famille avait fait le déplacement de Bray -une ville à une demie heure de la capitale- pour voir le petit Darcy ou Hermès ou encore Khallyan. Ils étaient indécis, reportant toujours au lendemain le choix de l'enfant. Ils voulaient la surprise, fille ou garçon, les deux, peu importe, l'important était d'avoir un enfant. Les heureux parents n'osaient pas en demander de trop, car, la probablité pour que le couple ait un enfant était aussi forte que l'usine Guinness ferme. Alors ils étaient tous heureux de me voir aussi rose et pleurnichard.
Si le bonheur existe, le drame aussi, après la pluie vient le beau temps et inversement. Le voici. Elle était d'origines irlandaise et française, et lui, lui, d'origine américaine et italienne. Ils se sont rencontrés à Paris, la capitale de ce merveilleux pays qu'est la France. Il, Alex Scaletta, était en séminaire économique pour l'entreprise où il travaillait et quant à la jeune femme, Dana Gillard, elle travaillait en tant qu'avocate. Vous l'aurez compris, étant à peu près du même monde, ils se sont desuite bien entendus. Un seul mot pour résumer et qualifier leur relation : la passion. Ils s'aimaient, tout le temps, tous les jours, à chaque seconde que Dieu faisait. Un charmant tableau du couple parfait, visiblement "embellit" par l'attente d'un enfant. J'ai obtenu mon prénom grâce au défunt père de la future maman, qu'elle adorait plus que tout et dont elle avait toujours été très proche. Le couple venait d'emmenénager il y a peu de temps, dans ce pays verdoyant. Les surprises s'enchaînaient, pour le plus grand bonheur de la famille Gillard. Mon père lui, avait tout quitté pour l'amour de sa vie. Plus rien ne le retenait aux États-Unis.
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BRAY, IRLANDE ▲
vingt-deux juillet mille neuf cent quatre-vingt-dix-sept.
Plus je grandissais et plus je me rendais compte que je ne trouvais aucune considération aux yeux de celui qui m'avait aidé à me mettre au monde. J'avais beau obtenir de bons résultats, avoir un comportement exemplaire, il n'y avait rien mais vraiment rien à faire. D'ailleurs, il n'était quasiment jamais là alors bon, c'était mon oncle qui s'occupait de moi. Il faisait le déplacement de Cincinnati -une ville vraiment très proche de l'Irlande-, jusqu'à Bray. Étant donné la distance, nous nous voyions que très rarement mais bon, lorsque nous étions ensemble, c'était vraiment génial, nous nous entendions vraiment bien, et ce qui nous rapprochais le plus, c'était notre passion commune pour la musique. Il était mélomane et moi, un simple gamin avide de connaissance. Il m'apprit quelques rythmes à la batterie, des rifts à la guitare et du blues à la basse enfin bref, il essayait de me transmettre ce qu'il savait. Bizarrement, je me débrouillais assez bien et j'avais enfin trouvé quelqu'un pour qui j'existais. Lorsque mon géniteur revenait à la maison après une dure journée, je lui montrais ce que je savais faire et la seule chose qu'il savait faire, lui, c'était boire des bières dans son canapé, devant les matches de de GAA. Cela m'exaspérait, au plus haut point. Et, franc comme j'étais enfin surtout agacé, je ne manquais pas de le lui faire remarquer. Sa réponse ? Simple et marquante. Un bon coup de poing dans mon visage. Ce dernier s'excusa, il prétexta qu'il ne s'était pas contrôlé, qu'il venait d'être renvoyé de son entreprise, n'étant plus "rentable". Je n'en avais que faire, cela m'avait marqué et je me renfermais alors sur moi même. Personne n'avait encore levé la main sur moi, personne, jamais. Tous les discours qu'ils faisaient sur la maîtrise de soi, il prônait la défense des enfants, n'ayant pas eu un père très tendre. Faites ce que je dis, pas ce que je fais.
J'avais onze ans. Oui, j'étais jeune, des rêves plein la tête, comme rejoindre mon oncle, m'échapper de cette maison. J'étais jeune, mais j'avais un passé, déjà. Je me faisais, maintenant, frappé régulièrement par mon paternel que je ramassais, le plus clair du temps dans les bars, ivre mort. Alala, combien de fois ai-je pu penser le laisser là, se faire dépouiller par quelques inconnus, au moins il connaîtrait la honte... Cruel ? Non, revanchard. Oeil pour oeil, dent pour dent. C'est vrai, je savais très bien qu'il m'en voulait. Inutile de se voiler la face plus longtemps. Oui, il m'en voulait, il me tenait responsable du fait que ma mère soit partie, loin de lui. Ce n'était pas vraiment mon géniteur qui me l'avait dit, plutôt tout l'alcool qu'il avait pu avoir dans le sang ce soir là. Je m'enfermais de suite dans ma chambre et je rêvais. Rêvais d'une vie plus tranquille et je pensais à mon cher oncle, aux États-Unis, là où mon oncle m'emmenerait pour se promener. Je me mis alors à jouer paisiblement de la basse, je m'amusais à faire d'énormes slaps bien bruyants et malheureusement, je ne l'avais pas entendu. Mon géniteur tenta d'entrer mais j'avais pris soin d'installer une serrure supplémentaire et il ne réussit pas à entrer dans ma bulle. Il défonça la porte, éclatant ma belle ibanez rouge offerte par mon oncle contre un mur, puis contre le sol, histoire de l'achever. Je ne comprenais pas, ce n'était pas ma faute, non, je n'y étais pour rien... Ce, non... Si elle n'avait pas été enceinte, peut-être qu'elle serait encore avec lui, pour vivre leur parfaite idylle, peut-être que les choses seraient différentes... Il a raison, c'est ma faute, tout est ma faute. J'obtiens ce que je mérite.
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vingt-huit décembre deux mille six.
Cependant, lorsque je voyais les autres enfants avec leur parents, je me disais que ce n'était pas la façon de traiter quelqu'un, même s'il est responsable de l'absence de l'amour de sa vie... C'est ainsi que, à dix-sept ans, je me trouvais des petits emplois histoire de me mettre un peu d'argent de côté et de faire la manche dans la rue en chantant, en jouant d'instruments. Mon plan était simple, avoir l'équivalent de cinq cents dollars et partir -accessoirement continuer à m'entrainer à, à vivre pour la musique. Où ? Je ne le savais pas vraiment. L'idée d'aller vivre chez mon oncle avait plus que traverser mon esprit d'adolescent en pleine crise, mais bon, c'était le meilleur moyen pour me faire retrouver par celui que je n'ai jamais plus jamais appelé "père". Je lui balançais souvent dans une colère noire que j'allais partir et le plus tôt possible parce que vivre avec un ivrogne violent stupide et plus qu'inutile, ce n'était pas très agréable. Mais ce soir là fut le soir de trop. Un sourire se dessina, et d'ailleurs il me hante toujours.
« T'es pas mon père, j'ai pas de père. J'vais me barrer, c'est pas une menace mais une promesse. Y'aura plus personne pour te ramasser sur le trottoir » -« Tu t'prends pour qui pour me parler comme ça ? Je suis ton père Khallyan, que tu le veuilles ou non. Tu m'as retiré l'amour de ma vie, tu es la conséquence de tous mes malheurs, je te déteste. C'est toi, qui ne sers à rien ! Si tu savais... » -« Si elle voyait l'homme que t'es réellement, elle aurait passé son chemin en te voyant. » La parole de trop. Il se rapprocha de moi, me prit par mes cheveux, à l'époque, longs et bouclés, et fit heurter ma tête à plusieurs reprise contre le plan de travail. J'étais sonné, littéralement à terre et il me releva. L'homme enchaîna les coups, et j'encaissais. Une sorte de sourire se dessina sur mon visage, c'était nerveux, mon visage se crispait, c'était la douleur.
« Tu souris en plus ? T'es fier de toi ? T'es qu'un vaurien, tu le resteras toujours. » Je sentais les gouttes de sang dégouliner sur mon visage. La douleur que je ressentais me déchirait la moindre partie de mon corps. Il continuait à s'acharner, et plus il me frappait, moins cela avait de l'impact. Un moment de répis, je tente de me lever. Appuyé contre l'évier de la cuisine, je lève mon poing pour essayer de l'atteindre mais je m'écroule aussitôt. Cela l'amuse, il me prend et me jette contre la porte vitrée. Les morceaux de verre viennent marquer ma peau un peu plus et je ne me relève plus. Mes yeux se ferment, je ne résiste plus. Cinq minutes plus tard, voyant que je ne me relevais pas et que beaucoup de sang coulait, il a certainement du penser que, qu'il avait dépassé les bornes et dans un élan de bonté, il m'emmena aux urgences. Une histoire crédible devait vite être élaborée. Son scénario fait, il me jeta dans la voiture.
« Oh mon dieu qu'est ce qu'il lui ait arrivé ?! » Une infirmière se précipita sur moi, j'étais encore inconscient.
-« Je... Je ne sais pas, il y a eu du bruit devant chez moi et je suis sorti et je l'ai trouvé là.... » En bon acteur, il se mit à caresser mes cheveux, comme un père ferait à son fils.
« Vous êtes son père ? » Le médecin de garde le regardait de haut en bas, il vit l'état de ses mains, ensanglantées mais ne fit semblant de rien.
« Sullivan, ça va aller, on va retrouver ceux... » -« Montrez-moi vos mains, elles semblent en bien mauvais état. » -« C'est rien, occupez vous d'abord de mon fils. Le jardinage vous savez. » Il esquissa un sourire nerveux alors que les internes m'emmenait en salle de soin prioritaires. Mes yeux s'entrouvrent, je le pointe du doigt, son regard se pose sur moi et mon coeur s'arrête de battre, pour un moment, je me sens léger.
« Ma...Maman ? C'est toi ? » -« Oui mon coeur, ne t'inquiètes pas, tout ira bien. » -« Est-ce que.. » -« Non mon chéri, tout dépend de toi. » Elle me prit dans ses bras, tout semblait tellement réel... Je me mis à la regarder longuement, sourire aux lèvres.
« Pourquoi tu es partie ? Tu m'aimais pas..? » -« Mon ange... Qui a pu te mettre ça dans la tête ? Je pense toujours très fort à toi.. » -« Je comprends pas alors.. J'ai froid...» -« Tu sais Khal, il n'a pas toujours été comme ça. Ca a été un homme bon, mais quand je vois ce qu'il est désormais, je ne le reconnais plus. » Nous marchions le long d'un parc blanc, tout y était d'une pureté sans égale. Puis, ma mère passa sa main sur mon visage, une douleur survint alors. Les bruits de l'hôpital devenaient de plus en plus forts et elle m'indiqua un lac, où je nous vis. J'entrapercevais à quoi je ressemblais, j'étais méconnaissable. Comment est-ce qu'un être peut vouer autant de haine envers quelqu'un ? J'en éprouve, mais c'est différent, c'est parce qu'il le mérite et moi... J'ai fait fuir ma mère.
« Mon chéri, sache une chose. Tu n'y es pour rien si je suis partie, non. C'est entre lui et moi, ne t'inquiètes pas, d'accord ? Khallyan, bats-toi, ne laisse personne te dire quoi faire, tu es quelqu'un de bien et je sais que tu te remettras vite, que nous nous verrons très bientôt. » J'ouvrais alors doucement les yeux, le blanc s'estompait à mesure que mes yeux s'ouvraient. Puis je vis le visage de l'infirmière puis celui du médecin. J'étais en vie et lorsque j'essayais de bouger, soudainement, une douleur m'envahit à l'épaule, je renfermais alors un cri de douleur, avant de me recoucher. Alex n'était pas dans la chambre, il n'était même plus là. Des policiers étaient venus, il avait prétendu que je m'étais fait renverser par une voiture et qu'avant, je m'étais fait agresser, par une bande de jeunes... Et ta soeur ? Quel mauvais menteur... Les médecins savaient bien ce qu'il se passait et puis, l'état de ses mains et le fait que je demande à changer de nom n'a fait que les mener vers le droit et bon chemin, celui de la vérité.
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DUBLIN, IRLANDE ▲
onze juillet deux mille huit.
Un an et demi. Voilà le temps que j'ai passé au foyer pour jeunes à Dublin, en attendant que quelqu'un se manifeste pour me prendre. Ce qui était étonnant, c'était que mon oncle ne se soit pas montré ou alors ils ne l'avaient pas contacté ou il ne voulait tout simplement pas de moi. Ma mère ? Je n'y croyais pas, pas du tout. Elle ne devait même pas savoir ce qui avait pu se passer quelques temps auparavant. Ainsi, j'en profitais pour faire ma vie, tâcher d'aller de l'avant, je trouvais alors le goût pour tout ce qui était du registre dramatique, comme le théâtre, où j'excellais puisque je me retrouvais à intégrer une des plus presitgieuses école d'arts dramatiques. Une chance pour un gamin issu des foyers, et dit à problème(s). Un cas social. Je mêlais musique et théâtre, pour moi, ils étaient indissociables. Dans cet école, j'avais pu commencer à apprendre le violoncelle ainsi que la contre-basse. Plus le temps avançait et plus je m'améliorais. C'est ainsi qu'avec mes nouveaux amis, nous avons décidé de monter un groupe. Nous étions quatre, comme des frères. Nous étions les Louder Shot, tous sur la même longueur d'onde, c'était l'osmose. J'étais à la batterie, au chant, à la guitare, à la basse et même au piano. A vrai dire, personne n'avait un rôle bien défini, et c'était ceci qui était génial, nous faisions ce que nous voulions. Après avoir fait plusieurs concerts, les gens ne nous prenaient pas au sérieux car nous n'étions pas stables, sans rôles définis et ils partaient vers le milieu de notre spectacle. Puis, il y a eu un éclair de génie de ma part : choquer pour exister, comme le font toutes les personnes du star-system. Nous ne voulions pas raser nos têtes ou adopter cinq enfants, non, bien que ce soit des idées attrayantes. J'avais quelque chose de plus.. Naturel en tête. Voilà comment nous nous sommes retrouvés nus, juste en chaussettes, cachés par nos instruments sur scène. Je jouais de la guitare avec une bouteille de bière et à la fin, nous avions fait le tour de l'école dans toute notre vertu, c'était vraiment un très grand moment. Tellement, voire trop grand, que le directeur de notre école très strict nous a exclus trois jours et ne m'a plus jamais porté dans son coeur, jusqu'à la fin de l'année où j'ai fini major de ma promotion, option théâtre et musique.
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these scars won't fade away.
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CINCINNATI, ÉTATS-UNIS ▲
trente mai deux mille onze.
« Hé Lyan, tu te décides à lâcher ta guitare ce soir ? Y'a un concert d'un étudiant dans un bar sympa, il paraît qu'il est doué. Prends pas ça pour un rencard l'Irlandais, tout le monde sait que t'es gay. » Cette fille là, elle n'arrêtait pas de me charier sur le fait que je ne sorte qu'avec des amis, et très rarement. Parfois, elle me disait que j'avais une vie secrète ou quelque chose de genre. J'étais tout simplement nerveux à l'idée de me retrouver seul avec une fille, à une soirée. Que dire ? Que faire ? Je n'en savais rien, alors je restais avec ma musique, la seule chose que je connaissais par coeur et qui ne risquait pas de m'échapper. Son sourcil s'arqua, je me mis à racler ma gorge. -
« Ce soir.. J'ai un rendez-vous avec mon petit ami, pas très grand, mais je le fais bien vibrer. Une autre fois, peut-être. » Je lui fis un clin d'oeil, amusé par la situation. J'aimais jouer avec les préjugés et les rumeurs, même si cela pouvait s'avérer être une arme à double-tranchant et qu'à tout moment, cela pouvait se retourner contre moi. Je n'avais rien à craindre avec cette fille là. Nous étions amis, de très bons amis même et nous n'arrêtions pas de nous chercher. Avec le temps, l'humour nous avait pas mal rapproché. Mon amie s'en alla, l'air faussement vexé : je l'entendis échapper un rire quelque pas plus loin. Non, ce soir, je n'allais pas voir mon petit-ami -parce que je trouvais que cela sonnait faux pour moi, l'étudiant qu'elle voulait aller voir en concert, je le connaissais bien et elle ne risquait pas d'être déçue du voyage. Le soir même, vêtu de façon ordinaire, je commençais à installer le matériel au bar où je venais juste de finir mon service. Après une dure semaine d'examen, je m'octroyais le droit de jouer ce soir, avec l'accord du patron bien sûr. Vingt heures sonnèrent, je n'avais plus qu'une demie heure pour tout brancher, me préparer et finir ma dernière répétition d'accords plus ou moins complexes que ce soit au piano ou à la guitare.
« Gillard, c'est à toi, dépêche. » Dans la loge, je répondais à un dernier message de mon oncle, me souhaitant bonne chance ou "merde", comme on dit dans le métier. Ce n'était pas mon premier concert mais ce soir, c'était une soirée spéciale puisque je savais qu'elle serait là, elle et mes amis aussi. Je n'en avais jamais parlé, ils me pensaient tous timide, coincé, et pourtant sur scène...
« My heart's a stereo, it beats for you, so listen close, hear my thoughts in every note. Make me your radio, turn me up when you feel low, this melody was meant for you, just sing along to my stereo. » Chantai-je, en m'accompagnant de quelques notes de piano. Le rideau se leva, les lumières vinrent m'éclairer, et j'enchainais avec le reste de la chanson. Je me sentais libre, bien, sans passé ni futur, j'appréciais juste l'instant présent. La scène, mon piano, la chaleur des projecteurs, le regard masqué du public. Elle était au premier rang, la bouche ouverte. Je me retenais de rire, je sentais que j'allais avoir droit à une sale engueulade affectueuse à la fin. J'avais commencé le concert assis, plutôt calme et posé et, à la fin, je sentais la musique entrer en osmose avec mon être entier. Je me laissais aller à sauter partout, à faire des acrobaties, à jouer avec un goulot de boutelle de bière, bref, faire le show. La salle avait l'air d'apprécier, le public avait été atteint par la même maladie que moi : celle de l'amour pour la musique. L'adrénaline me rendait littéralement fou, c'était meilleur que prendre son pied au lit (enfin, je crois). Chaque sensation était à chaque fois unique, et c'est ainsi que je me mis à penser que je voulais mourir sur scène, ici. Bon, la salle n'était pas très grande mais elle était pleine. J'avais connu des vrais flop, avec des verres à la figure, et des soirées chaotiques. Par exemple, à mon arrivée à Cincinnati, mon oncle m'avait présenté à un ami, propriétaire d'un bar/salle de concert dans un des quartiers les plus irlandais et musicaux de la ville. Ma première fut des plus rocambolesques : j'avais fini à l'hôpital, à cause d'un projectile reçu à l'oeil. Alors, quand, je voyais des salle combles comme ce soir, j'étais tout simplement heureux comme un gosse, comme il ne m'avait jamais été encore permis de l'être.
Une fois dehors, j'allumai une cigarette, bouteille de Bulmers à la main -ma boisson préférée- quand mon téléphone sonna. C'était mon cher oncle, qui devait certainement savoir comment s'était passé mon concert. Il m'avait tout appris, je lui devais tout.
« Yep tonton, wass.. » -
« Garçon, j'ai retrouvé ta mère. » Mon regard devint vide, je lâchais ma bouteille ainsi que mon portable. Ma mère ? Pour retrouver quelqu'un, encore faut il l'avoir perdu. Et je ne l'ai pas perdue, c'est elle qui l'a fait, c'est elle qui m'a abandonné. J'ai avancé, je suis heureux. Mon oncle continuait à parler, je pris le fameux objet. -
« Elle s'est trouvée une conscience ? Je m'en tape, j'suis bien ici. » Mon oncle lâche un long soupir, exaspéré par ma réaction. Je m'étais braqué, mis sur la défensive.
« Ca peut plus durer comme ça, faut crever l'abcès Khal. Y'en a marre de t'entendre pleurer quand tu dors, de te voir triste dès que les autres parlent de leur mère. Tu dois t'expliquer avec, tu m'as compris ? Je veux pas jouer les psy, mais à mon avis, si t'as jamais eu de copines et si t'es jamais tombé amoureux, c'est parce qu'en chaque fille, tu vois ta mère. Elle est partie parce qu'elle avait peur de l'idiot qui te servait de père. De toute façon, je te laisserai tes affaires devant la porte avec des billets pour Oakdale, en Californie. Va là bas, t'inquiètes pas pour la fac, j'ai tout réglé. » Il raccrocha aussi sec, ne me laissant pas lle temps de ui répondre. A ce moment là, je le détestais, je ne voulais pas aller dans ce trou paumé pour voir une personne qui m'avait rejetté. C'est vrai, c'était plutôt à elle de venir à Cincinnati. J'avais appris à vivre sans mes parents, à me passer d'eux et je tenais des termes très durs à leur égard. Mais parce que je m'étais endurci, et si mes propres parents pouvaient me trahir, qu'en adviendraient-ils des autres ? Je ne faisais confiance à personne, je ne voulais laisser personne, pour ne pas souffrir et ne pas faire souffrir. C'est dans ce contexte que mon amie vint à mon bord, toujours avec beaucoup de.. tact et de douceur. Elle me donna un léger coup de poing au bras, les sourcils froncés.
« Irishboy, t'aurais du me dire que t'étais doué comme ça ! Je t'en veux, tu le sais ça ? Un autographe et je te pardonne. » Je lâchais un léger sourire, tête baissée.
« Je.. J'ai dit quelque chose qui fallait pas ? Aller tu sais que je rig... » -
« Je pars. » Elle arqua un sourcil, cherchant mon regard. -
« On doit tous partir Khallyan. » -
« Tu comprends pas... J'veux dire, je pars. Je pars de Cincinnati. » Son regard se mit à briller de tristesse, ses traits devinrent sérieux, graves. -
« Tu vas où ? Cincinnati sans toi, c'est pas Cincinnati et puis moi, sans toi... Ouais allez, casses-toi, tu vaux pas mieux que les autres. Casses-toi, je veux plus te voir, t'es minable Gillard, tu m'entends ?! Minable ! Sale con. » Elle me rejeta lorsque j'essayais de la prendre dans mes bras, ou lorsque j'essayais d'approcher. Au final, je vis quelques larmes perler et sa démarche pleine de haine, emportant sa silhouette loin, très loin de moi. Cette soirée, c'était l'une des pires de ma vie.
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OAKDALE, ÉTATS-UNIS ▲
huit septembre deux mille onze.
Je rentre dans mon appartement bordélique, après ma première journée de cours. Exaspéré devant le nombre de cartons encore à défaire, je me dis qu'il était peut-être temps de commencer à m'installer ici, en Californie. Mais, pour le moment, je ne m'y plaisais pas voire pas du tout. Pourquoi ? Tout simplement à cause de cette foutue frousse de tomber sur ma mère à un coin de rue. Je jette les clés sur le meuble de l'entrée, lance mon blouson sur le canapé et vais me prendre une Bulmers. Mon téléphone se met alors à sonner, c'est mon oncle. Et là, hésitation complète : répondre ou ignorer. La raison me dit de déccrocher, mon coeur me dit laisser faire. Je laisse faire et m'installe lourdement sur le sofa, allumant la télévision et ma console. Les révisions attendront, la pièce de théâtre et ma nouvelle partition aussi. Instant détente bien mérité, je me devais de perdre cet espèce de poids, ce noeud à l'estomac qui me faisait vivre cette aventure dans cette ville à moitié. En me rendant dans cette ville, je m'étais rendu compte à quel point Cincinnati était différente de la Californie et d'Oakdale en particulier, tout était tellement plus.. calme. Ce village avait d'air de Bray, en plus petit et plus ensoleillé. Tout le monde se connaissait, et connaissait tout sur l'autre. Il n'y avait aucun moyen d'avoir un minimum d'intimité, et malgré cela, je n'avais toujours pas trouvé ma mère enfin, devrais-je dire, grâce à cela, j'étais encore tranquille. Je n'allais pas tarder à devoir me préparer pour mon premier service. Vingt heures approchaient, et j'allais devoir être serveur toute la nuit. J'étais heureux d'être employé au O'Donnell's bar club, le propriétaire a un nom à consonance irlandaise, peut-être était-ce un signe, peut-être que vivre ici allait être plus agréable que prévu...